Kélerdut - Domaine des Rochers.

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lundi 16 avril 2012

Découvrir Le Corbusier

Unité d'habitation Le Corbusier à Firminy
Il y avait bien longtemps que nous n’avions pas rendu visite à notre amie stéphanoise. Un ensoleillement exceptionnel pour une fin de mois de mars a débarrassé St Etienne de sa grisaille. Pourtant le crassier est toujours là, témoin du passé minier, surplombant la ville et sa grand’rue où glissent les trolleys étroits.

Aujourd’hui finie la mine, finie la sidérurgie, la métallurgie, le textile, des pans entiers d’une économie sacrifiée ! Quelques fantômes rappellent l’histoire : des bâtiments de la richesse industrielle demeurent comme celui de la manufacture d’armes avec l’espoir d’une reconversion de St Etienne en cité du design (sa construction a pris 5 ans !).

Autre aperçu d’une cité rêvée : les réalisations de Le Corbusier.

Flashback : années 1960, dans l’embellie économique et démographique le projet de l’architecte Le Corbusier voit le jour avec l’Unité d’Habitation de Firminy (dernière des quatre unités françaises et la plus grande par sa taille -originellement 414 logements).
  Je découvre cette barre immense sur la colline proche du centre de Firminy.

« Il faut bâtir la ville dans le soleil, il faut la bâtir dans la lumière. Il faut la bâtir avec la nature retrouvée autour des villes. Cela commande notre urbanisme. Il faut la construire avec dignité et cela commande notre architecture. Il faut la construire dans la simplicité puisque nous sommes pauvres. ». Le Corbusier. 
  
Internet vient compléter l’information :

Le bâtiment de 130 mètres de longueur, 21 mètres de largeur et 55 mètres de hauteur est orienté selon un axe Nord-Sud qui offre aux appartements la double exposition grâce à une conception traversante. L’ensoleillement est donc maximal et seul le « brise-soleil » vient réguler la quantité de lumière.

Sept rues intérieures desservent les dix-sept niveaux d’habitations.

Autre particularité de l’immeuble, le toit terrasse ou s’ouvre une école.

 Sur  414 logements à loyer modéré 320 au maximum furent occupés. Avec le déclin industriel, la désaffection des logements a conduit à un regroupement des locataires dans une partie sud.
   Le bâtiment est classé en 1993 et ne permet que des modifications internes. Une grande partie des appartements de l’aile nord est vendue mais l’unité d’habitation reste en grande partie propriété de l’office public HLM.
     

L’impression 1ère reste celle du béton. La façade est trouée de balcons égaillés de murs colorés. Les halls sont spacieux. Depuis l’ascenseur nous débouchons sur un étage, un vaste couloir,  « une rue » comme l’appellent les « Corbu ». Même si les portes sont peintes de couleurs vives, mon impression est un sentiment d’enfermement.  Gigi a contacté une connaissance Tatan Jeanine, 80 ans passés,qui nous ouvre sa porte.

La lumière nous transperce à travers une vaste baie ouvrant sur un balcon (de grands travaux de réhabilitation et de mise aux normes ont effectués en 2001). C’est le séjour/cuisine de l’appartement. Le meuble comptoir d’origine conçu spécialement par Le Corbusier, sépare les deux espaces. Une ouverture dégage une chambre étroite transformée en bureau.

Un escalier droit conduit à une petite chambre qui surplombe le séjour par un demi-mur, une salle d’eau exigüe complète l’étage.

Tatan Jeanine nous dit qu’elle cherche un appartement plus petit mais toujours dans cet endroit. Elle ne se voit pas habiter ailleurs ; ici elle côtoie ses voisins Tchèchènes et autres exilés avec plaisir dans un quotidien d’échange et de partage. J’ai oublié de préciser que Tatan Jeanine est une sacrée militante. Elle est de toutes les manifs et s’active particulièrement auprès de ces camarades d’Emaüs.
  
Je retiens sur un mur, la vision d’un christ, une reproduction de Jaurès haranguant la foule et quatre lignes encadrées : « La dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est cause toujours. ».
  
Elle tient à nous conduire jusqu’aux studios de Radio Ondaine installée sur deux appartements réunis à quelques « rues » de là. Bel espace et un matériel tout neuf ! La radio est au service de la population à travers les informations et la communication de la Vallée de l’Ondaine.
  
Je perçois la fierté de Tatan Jeanine pour la radio et son attachement mêlé de fierté pour le monument classé où elle vit. Elle nous quitte pour retourner à sa paperasse : « je prépare ma mort » nous dit-elle mi-figue mi-raisin. Un peu de provocation pour nous faire réagir et nous faire part un instant de sa solitude.
 
Eglise St Pierre Le Corbusier Firminy
Nous filons sur l’église St Pierre, autre création de Le Corbusier commencée en 1970 et seulement achevée en 2006 ! Elle s’intègre dans un ensemble qui fait coexister vie culturelle et loisirs (avec la maison de la culture), le sport avec le Stade et la piscine et puis le culte avec cette église. Le tout a été conçu par l’architecte et témoigne de cette œuvre particulière.

Le béton s’impose dans cette cloche que je trouve assez hideuse. Les particularités résident dans l’écoulement des eaux de pluie qui suivent une spirale trouée de meurtrières (un peu violent pour une église !) par lesquelles entre la lumière.

Lumière encore au travers de 3 canons sur le faîte (encore cette idée guerrière) heureusement atténué par le mur percé d’étoiles derrière l’autel « la constellation d’Orion ».



L’ensemble ne suscite pas d’émotion particulière et tout ce béton manque à mon goût d’humanité, Un vaste débat mais en tout cas une découverte qui fait partie de notre patrimoine et qui est fait pour durer !
Au revoir Gigi. St Etienne me laisse une impression mitigée, à la fois de force et de tristesse. C’est la force du passé ouvrier, du dynamisme, de la solidarité d’une classe. Aujourd’hui une certaine tristesse transpire dans ses immeubles délabrés et ses industries abandonnées. Pourtant le savoir-faire est là mais qui sait que les écrous de la fusée Ariane, les optiques utilisées à Hollywood et les sièges du TGV sont fabriqués à Saint-Etienne ? Je l’apprends au grès de la toile…Il y a sûrement un avenir …il nous le dira.