Mercredi, 18 heures, le sac de sport en bandoulière, la casquette bien enfoncée et l'écharpe autour du cou, je presse le pas vers mon cours hebdomadaire de yoga. Une escorte de 3 agents de sécurité fait le planton devant le 29 de la rue des Champs Elysées, prêts à veiller sur l'appartement vidé manu militari, l'avant veille. Des familles de Roms occupaient les lieux depuis un mois environ. Je frissonne. Est-ce à cause du froid qui s'est abattu sur Toulouse ou à cause de l'ambiance plombée de ce coin de rue.
Flash back : Mardi matin, 8 h, j'appelle ma jolie voisine pour organiser une livraison commune de bois pour nos cheminées "ludiques". Elle m'apprend qu'une expulsion d'appartement a lieu au même moment à quelques maisons de là. Les bénévoles du D.A.L ont permis à ces familles de Roms de s'installer sous un toit depuis longtemps désert. J'ai vu il y a un mois environ, des personnes du DAL, puis des élus de la Mairie sans doute, mener des transactions sur le trottoir. Les familles ont pris possession des lieux dans cette rue tranquille. Un magasin de coiffure jouxte le petit terrain vague à l'arrière de la maison. Je n'ai pas eu un sentiment d'insécurité particulier depuis cette installation. J'ai croisé à plusieurs reprises un couple avec enfant, une vieille femme habillée de noir se déplaçant avec difficulté. Un vieil homme est revenu après un séjour à l'hôpital.
Dans le jardin vague, des objets divers s'accumulent et polluent sans doute la vue de la famille qui vit en mittoyenneté. Sur les trottoirs, on rencontre régulièrement les déjections des animaux de compagnie de "gens très bien" qui vivent "normalement" dans leurs appartements douillets. On ne croisera plus les Roms ; ils sont sans doute logés à l'hôtel en attendant des jours meilleurs.
Je téléphone au DAL pour signaler sur le répondeur ce qui se passe. J'appelle un copain qui milite à France Solidarités.
Je quitte la maison pour le boulot. A l'autre intersection, entre la rue des Champs Elysées et la rue Emile Zola (c'est la lutte des classes dans ce quartier !) trois CRS en tenue, veillent aux débordements ! Tout est calme pourtant mais...on ne sait jamais. Je n'ai rien fait de particulier pour ces familles ; je leur ai seulement adressé un sourire quand je les ai croisées.
Je viens de voir la Vidéo du Journal de TLT du mardi 22 janvier 2013. Le commentaire du journaliste est édifiant : il évoque les personnes qui sont choquées par l'expulsion en plein hiver mais aussi un voisinage exaspéré par une promiscuité qui rendait impossible la vie du quartier ! Il s'en est fallut de peu qu'une pétition circule. J'imagine les conversations haineuses qui vont alimenter pendant des semaines la fidèle clientèle de notre chère coiffeuse.
Les fenêtres sont obstruées, une porte est superposée à la porte d'entrée du 29 et des vigiles se relaient. Le propriétaire de l'immeuble va perçevoir des indemnités pour le préjudice de la part de la Mairie et il s'engage, la main sur le coeur, à réaliser les travaux pour réhabiliter la maison en vente depuis longtemps, sans succès.
La boucle est bouclée.