La visite guidée
Nous y voilà : pile au
rendez-vous de la visite guidée du village de Torreilles. La cloche de l’église vient de sonner 10
heures et nous rassemble sur la place Louis Blasi, au centre du village. Ils se
présentent comme nos guides, d’abord le prénommé Louis, petit et rond comme un
tonneau. Il a une expression de grande jovialité dans le sourire au milieu d’un
visage joufflu noir de soleil. La tête
est dégarnie, cernée à l’arrière par un collier de cheveux coupés courts. Ses
bras courts et puissants, ses mains fortes sont celles d’un travailleur manuel.
Le partenaire est plus élancé. Comble de hasard, il se prénomme aussi Louis. Son
visage recouvert d’une barbe blanche de
quelques jours manifeste plus de réserve que celui de son compagnon. Il y a une
élégance dans sa chemise à rayures aux manches longues retroussées sur les
coudes qui dénote une profession plus conventionnelle. Ils ont tous deux
atteint la soixantaine. On comprend vite leur attachement au village :
Louis le premier, a été à la tête pendant 20 ans des pompiers de la contrée. Il
est aussi maraîcher. Louis le second, vient de renoncer à un cinquième mandat
de maire de Torreilles. Tous deux guident en bénévoles, les touristes auxquels
ils relatent les origines médiévales du village, les figures marquantes de son
histoire comme celle de Claude Blazy, leur instituteur commun qui a élevé plusieurs générations au culte
du beau et de l’esthétisme et qui a obtenu le titre de « Monsieur Cinéma »
en 1969 après 10 semaines de victoire à la célèbre émission de Pierre Tchernia.
Louis (le maire) évoque avec des étoiles dans les yeux cet instituteur qui
abordait toutes les leçons d’histoire dans le costume de circonstances :
tantôt en Vercingétorix, tantôt en César…sans parler de l’initiation à la littérature,
au cinéma.
Le groupe flâne dans les ruelles
épargnées par le soleil, porté par les voix de Louis et Louis, chacun se
prêtant la parole à tour de rôle pour évoquer l’architecture de maisons de
briques, galets et marbre ; les façades « subventionnées », c’est-à-dire
rénovées avec les subventions municipales afin de respecter l’harmonie des couleurs
préconisées par la ville ; les maisons bourgeoises aménagées pour
certaines en luxueuses chambres d’hôtes. La grande bâtisse de l’école des filles
a dû être démolie suite aux effondrements divers. Le sol était marécageux. Ce
grand espace est devenu la place des Souvenirs d’enfance, sur laquelle l’ancien
préau a été conservé ainsi que la grille d’entrée de l’école.
Les crues de l’Agly ont donné plus
d’une fois l’occasion à Louis (le pompier) de passer des nuits blanches à
secourir ses concitoyens. Les inondations ont fortement marqué le pays. Elles
ont développé les solidarités entre les habitants qui oubliaient pendant cette
trêve forcée les vieilles rancoeurs qui
ne manquaient pas d’être ravivées ensuite.
Nous nous transportons à la
chapelle de Juhègues à l’orée du village. Cette chapelle romane dont les
origines chrétiennes datent du XIe siècle, aurait été au IXe siècle
le lieu d'accueil d'une colonie juive d'où le nom Juhègues, du catalan
juheu : juif en français. L’ermitage, les bâtiments annexes et le parc
alentours ont été magnifiquement restaurés par la commune. De nombreux
évènements culturels et artistiques s’y déroulent au printemps, en été et en
automne.
Les deux Louis nous invitent à
déguster un verre de cet excellent muscat, couleur d’or ainsi que biscuits
croquants et rousquilles. On ne pouvait pas mieux finir cette visite que je
conseille à tous les amoureux du pays catalan.