Me voilà arrivée au bout du
chemin. J’ai retrouvé dans les boîtes d’archives, les fiches de paye de mes
employeurs. Au travers de ces documents conservés depuis 1974 je redécouvre mes
premières expériences du travail salarié : les colonies de vacances dans
le Cantal…
Je m’occupais d’enfants de 5 ans.
Le souvenir le plus marquant est celui d’avoir dormi dans des draps trempés
d’urine que je n’avais pas eu le courage de changer tant j’étais épuisée. Je
souris encore à la pensée du petit Olivier qui, sous un calvaire où nous nous
étions posés pour goûter me demande « pourquoi il a une jupe le
monsieur ? ».
…La colo dans le Tarn où j’ai
rencontré celui qui deviendrait mon mari.
Les bulletins froissés, jaunis,
écris à la main égrainent des périodes me semblent appartenir à quelqu’un
d’autre. Après 31 années passées dans mon dernier emploi je choisis de clore le
chapitre. Pourtant j’aime mon travail où les relations humaines ont une grande
place ; mais autour de moi d’autres ont fait déjà le pas vers ce qu’on
appelle la retraite. Ce mot a décidemment une connotation négative qui évoque
le repli du vaincu, la débâcle. C’est tout le contraire que je lis dans les
visages épanouis de ceux qui me disent : « tu verras, c’est
cool ! ». J’attends de voir.
D’abord organiser un pot avec mes
collègues. J’ai fait une carte d’invitation à l’intention de tous les salariés
qui a été diffusée en intranet. J’avais compté sur une cinquantaine de
personnes pour un buffet réalisé en partie par un traiteur et par moi. Le punch
était frais, les tartes appétissantes. Mes collègues sont arrivées à la sortie
de leur travail, pour une bise rapide ou pour rester plus longtemps, bavarder
des dernières nouvelles et bien sûr toutes de m’interroger : « que
vas-tu faire maintenant ? ». Si je ne réponds pas aussitôt la plupart
enchaînent : « on te connaît…tu es tellement active, on ne se fait
pas de souci pour toi ! ».
Pourtant je sais que cette
transition n’est pas facile ; je l’ai constaté chez mon mari qui au lendemain de sa retraite s’est jeté
dans des travaux de bricolage aussi baroques qu’inutiles. J’ai dû le supplier
d’arrêter ses activités disparates. Les
choses se sont normalisées avec les beaux jours et surtout avec son
investissement dans une association.
Après un petit discours sur le
ton de l’humour, mes collègues disent à leur tour des mots d’amitié qui me
touchent mais je ne me sens pas émue au point de faire couler les larmes. Je
suis sereine comme s’il ne s’agissait pas de moi.
Je découvre un carnet où chacun a
écrit un mot à mon intention. Il a dû faire le tour des services car je peux y
lire les signatures de collègues très dispersées dans l’hôpital. Je leur en
suis reconnaissante. Tous se sont cotisés pour m’offrir fleurs, livres, tubes
de peinture, soins de beauté, sacoches de vélo, repas au restaurant et bon
d’achats pour des sous-vêtements affriolants.
Une trentaine de camarades est
finalement resté pour boire un verre de Prosecco. Un peu plus tard on remballe
tartes, restes de fromages et punch que nous boirons 15 jours durant en
tête-à-tête avec Francis à la santé de la retraitée que je suis. J’ai compris
un peu tard pourquoi je me réveillai avec la tête un peu lourde.
Ces moments sont essentiels pour
pouvoir dire au-revoir, même si on sait que peu à peu les liens se distendent
et que se revoir sera de moins en moins d’actualité ; quoi que… Quand on a
travaillé dans un hôpital on est parfois amené à y retourner pour des raisons
plus ou moins graves. Je sais que revenir dans cet hôpital-là sera toujours un
moment de retrouvailles heureuses.
Et maintenant, en route pour de
nouvelles aventures !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
je précise que : je n'accepte pas les insultes, les commentaires illégaux ou anonymes et que je me réserve le droit de les supprimer.